Et c’est peut-être cela la clef du succès de Lana, à la fois comme artiste et comme initiatrice de tendances. En se focalisant sur les icônes
classiques de la culture et du style Americana, elle prend le meilleur de chaque décennie. Ses chansons s’inspirent à la fois du jazz, du folk et de la pop, et ses tenues de scène
évoquent, en version masculine ou féminine, les années 20, 50 ou 60.
Difficile à imaginer aujourd’hui, mais il y a seulement quelques années, Lana était une inconnue qui se produisait sous son vrai nom, Elizabeth Woolridge Grant, et tentait de percer à New
York sans même y disposer d’une véritable adresse. À l’époque, elle chantait de la pop et du folk jazzy lors de soirées scène libre dans les quartiers de Williamsburg et du Lower East
Side.
Et le 1er juillet 2011, un clip “maison” doux et mélancolique, mettant en scène une chanson d’amour triste – Video Games – se retrouva sur YouTube et très vite, la carrière de Lana prit
son envol. Video Games incarnait parfaitement l’univers créatif de Lana ; on la voyait en train de chanter, et sa musique était illustrée par des images du vieil Hollywood. Cinq mois plus
tard, le clip touchait un public de 20 millions de fans.
Le succès immédiat de Lana Del Rey s’explique en grande partie par le son unique, à la fois frais et nostalgique, qu’elle a réussi à créer. “J’aime parler de ce qui existait autrefois
et exprimer mes souvenirs avec de beaux textes et des mélodies,” dit-elle aujourd’hui en évoquant son album Born to Die, qui s’est hissé en tête des charts iTunes dans 19 pays.
“Je voulais que cet album soit à la fois glamour et un peu sombre… et qu’il me rappelle ces étés brûlants. [Mes producteurs] ont ajouté de riches arrangements de cordes et des effets
sonores de cigales ou de rires féminins.”
La musique elle-même et les images “maison” ont lancé sa carrière, mais très vite, le look de la chanteuse est devenu aussi célèbre que ses chansons. Les tenues pouvaient varier d’un jour
à l’autre, mais la coupe bouffante, les lèvres pulpeuses, les longs ongles en acrylique (rouge sang le jour de l’interview), les faux-cils démesurés et les accumulations de bijoux sont
restés des constantes de son look. “Je connais mieux les bijoux que la mode,” nous confie Lana, “et j’adore les émeraudes et les diamants”.
Lorsqu’on lui demande quelles sont ses icônes du style, elle cite Lauren Bacall comme l’une de ses grandes influences. “Je l’adore, parce que c’est une femme solide, et que cela se
voit à son style. Et j’admire cette silhouette puissante, épurée et glamour”.
Le créateur londonien Christopher Kane qui, tout comme la chanteuse, aime combiner nostalgie de l’enfance innocente et feeling citadin un peu brut, fut le premier à s’intéresser à sa
musique en tant que professionnel de la mode en choisissant Video Games comme bande-son pour son défilé printemps-été 2012. Peu de temps après, une autre chanson de Lana accompagna la
campagne promo de Gossip Girl et elle chanta lors d’une fête organisée par Dior. Plus tôt cette année, elle a assisté au gala de l’Art’s Costume Institute du Metropolitan Museum avec le
créateur new-yorkais Joseph Altuzarra, qui avait créé à son intention une tenue complète. “Joseph voulait que je porte une robe à la fois sombre et glamour, comme ma musique”,
explique-t-elle en évoquant cette création inspirée d’une cotte de mailles. “Il savait que j’aimais révéler mon côté sombre, alors il a ajouté une cape noire très fine, très féminine,
dans le style des années 40”.
Et au printemps dernier, Lana s’est vue attribuer la plus belle récompense qui soit en matière de mode : l’iconique griffe anglaise Mulberry a lancé le Del Rey – un sac inspiré par
l’univers de la chanteuse, véritable hommage à un style qui a su capter l’imagination des fans du monde entier.
Cette saison, les affinités de Lana avec le monde de la mode se concrétisent avec la campagne automne-hiver H&M dont elle est la star. Pour l’interview et la séance photo réalisée à
New York par les photographes superstars Inez van Lamsveerde et Vinoodh Matadin, Lana a adopté les pastels de la saison, et elle porte de la douce maille mohair, de grosses boucles
d’oreilles et des imprimés floraux. Inutile de préciser qu’elle est éblouissante !
L’inspiration 50’s est évidente, car c’est une décennie que Lana aime tout particulièrement : “J’adore les matières riches et robustes des robes des années 50, à la fois luxueuses et
conçues pour durer. Des vêtements emblématiques d’une époque où tout paraissait nouveau et beau”.
Aujourd’hui, que ce soit au premier rang d’un défilé, dans les émissions les plus populaires de la télévision américaine ou dans les pages des magazines de mode, elle semble toujours
nimbée d’une aura mélancolique. Comme si les amours perdues de sa prime jeunesse continuaient à la hanter, quoi qu’elle fasse, où qu’elle aille. C’est la même nostalgie romantique que
l’on retrouve dans le léger vibrato de sa voix et dans les paroles lyriques évocatrices d’un amour si ardent qu’il menace de vous brûler.
Et c’est peut-être cette nostalgie qui nous fait tant aimer Lana Del Rey. Quel que soit le contexte ou le look, on la reconnait instantanément à cette vive émotion qui se dégage d’elle –
et à l’intimité qu’elle est capable de créer en nous la faisant partager. Dans un monde interconnecté, Lana s’impose parmi le vacarme ambiant et nous touche par son honnêteté. Elle est la
pop star parfaite – et l’icône du style – de notre temps.
Merci à Odile pour l'info!